Bon et joyeux Noël !
Le message du Père Frédéric Foucher, administrateur du diocèse de Laval pour Noël 2023.
Et si, Jésus ne trouvait ni étable ni mangeoire pour naître ! Que serait Noël si Jésus ne trouvait aucun espace pour naître !
Nous avons trouvé un beau coussin pour la statue de plâtre, nous avons revêtu nos habits de fête, mais avons-nous préparé la mangeoire ? Car Jésus a décidé de naître, non pas dans l’hôtel cinq étoiles de nos vies, mais dans l’étable de notre existence. Ce qu’il y a de beau et de noble en nous, Jésus l’admire et le contemple.
Et si Jésus descend du ciel, c’est pour naître dans l’étable de ma vie.
L’étable, c’est le lieu où ça sent mauvais, l’étable c’est le lieu bestial. C’est là que Jésus désire naître. Chacun de nous, nous pourrions lui présenter les beaux salons de notre vie, mais ce n’est pas là qu’il nous donne rendez-vous. C’est dans ce qu’il y a en nous de triste ou de difficile, ou du moins ce qui est en état d’interrogation, ou ce qui est troublé, que Jésus veut naître.
La place pour Jésus, la seule place qu’on puisse lui offrir, c’est de lui dire en vérité : « Voilà, Jésus, en moi ce qui ressemble à une étable ; il ne forcera pas la porte, il ne vous oblige à rien, il a tellement envie de vous sauver. Si Jésus nous dit « Parle-moi de ce qui est difficile dans ta vie », c’est d’abord pour vous dire : « Je ne te laisse pas tout seul avec tes problèmes. Je suis Dieu avec toi, Emmanuel « Dieu avec nous ». Je ne me tais pas lorsque tu souffres, je ne me tais pas lorsque tu t’interroges, je ne me tais pas lorsque tu déprimes. Je suis là. Je suis avec toi. Je te prends la main et je te parle. »
Offrons à Jésus cette part qu’il y a en nous, difficile, notre étable, ce lieu que Jésus affectionne particulièrement. Pour les uns, ce sera quelque chose de l’ordre de la vie de couple, pour d’autres de la vie de famille, pour d’autres de l’ordre des études, pour d’autres de l’ordre de l’orientation, pour d’autres de l’ordre du travail, pour d’autres de l’ordre de la santé, peut-être pour d’autres encore quelque chose de l’ordre de la foi. C’est là que Jésus veut naître.
La grande angoisse de Jésus à Noël, c’est de ne trouver aucune étable ni aucune mangeoire où descendre. Celui qui habite le palais le plus sublime de l’univers, à savoir le paradis, il n’a que faire de nos hôtels cinq étoiles car c’est pour nous sauver qu’il est descendu.
Lorsque viendra le temps de l’offertoire, ce moment où le prêtre présente le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes, déposez sur la patène et dans le calice, l’étable de votre vie, et alors, lorsque vous communierez avec toute l’intensité de votre cœur, Jésus vous dira : « Je suis là, n’aie pas peur, j’ai la solution à ton problème ». Notre foi est telle que nous ne croyons plus que Jésus est la réponse à nos questions. Bien sûr, il ne fait pas à notre place. Bien sûr, il passe par des médiations humaines, mais il est la réponse.
Frères et sœurs, est-ce que Jésus trouvera une mangeoire dans laquelle descendre pour être le pain vivant descendu du ciel ?
C’est par trois fois que l’Evangile a fait résonner le mot mangeoire : si Bethléem veut dire Maison du pain, c’est que Jésus s’offre à nous comme le pain vivant de nos vies. Avons-nous faim de lui ? Est-il aussi désirable que la bûche de Noël ? Que les chocolats de Noël ? Que les cadeaux de Noël ? Peut-être que sans s’en rendre compte, qu’il soit de plâtre ou de plastique dans nos crèches, cela nous suffit mais il s’est fait chair, pour pouvoir être notre pain sur l’autel. Est-ce que notre cœur est une mangeoire prête à recevoir la nourriture du ciel ?
Je ne sais pas comment vous dire parce que ça ne se démontre pas comme une équation mathématique. Si l’homme est malheureux, c’est qu’il ne sait pas « dévorer » son Dieu. Vous savez, on dit d’un enfant, d’un petit bébé, qu’il est « mignon à croquer », j’aimerais que vous puissiez dire à Jésus, j’espère qu’il me pardonnera cette audace, qu’il est « mignon à croquer », qu’il est bon à manger, qu’il est désirable.
Enfin, qui de nous veut bien devenir une mangeoire pour que d’autres viennent se nourrir à lui. Je voudrais dire merci à Thomas : il a fait le plus beau cadeau de Noël qui soit en m’offrant une conversation il y a quelques vendredis, où il m’a aidé à réaliser que la grande erreur de ma vie, c’était de me donner au lieu d’être donné. Jésus ne se donne pas, il est donné. Quand le Père donne Jésus dans les mains de Marie, que Marie le dépose dans la mangeoire, il est comme un fourrage donné aux animaux, un pain offert aux hommes ; il ne se donne pas, il est donné. Vous me direz : « Mais mon Père, qu’est-ce que ça change ? » Je crois que ça change tout ! Lorsqu’on se donne, on fait une expérience douloureuse, que les résultats, la reconnaissance, ne sont pas à la hauteur du don de nous-mêmes, notre énergie se perd dans les complexités du monde et peut-être que nos égoïsmes latents ne nous aident pas à dire à l’autre toute la reconnaissance que nous lui portons. Et alors, nous vivons comme un décalage entre ce que je donne et ce que je reçois, et dans ce décalage naissent amertume et rancune, rancœur et peur, colère et déprime.
Lorsque nous sommes donnés, alors nous quitte le besoin d’un retour sur investissement. Le Seigneur m’a donné de comprendre, pour moi en tout cas, qu’il fallait que je ne sois pas un semeur mais une semence. Il m’a donné l’image de rapetisser petit petit petit petit, comme une petite graine qui tombait dans un sac en bandoulière autour du cou d’un semeur, et puis le semeur, librement, mettait la main dans le sac, prenait une poignée de semence – j’étais dedans – la semence était jetée, tombant tantôt dans la bonne terre, tantôt dans une terre plus austère. A partir de ce moment-là, vous savez que là où vous êtes, c’est là où Dieu a besoin de vous, ça ne vous appartient plus. Vous n’êtes plus dans « je me donne et j’espère que je verrai des résultats, j’espère qu’on me dira merci ». Vous êtes dans « je suis donné et j’aurai nourri quelqu’un et cela me suffit », car une semence ignore le brin d’épi qu’elle formera et ce que ce blé, ce brin d’épi fera comme pain et qui le mangera. Qu’importe ! Il suffit de savoir que quelqu’un pourra se nourrir. Et là, lorsqu’on comprend qu’avec Jésus on ne se donne pas, on est donné, c’est une autre guérison que nous connaissons, un autre salut : il n’y a plus d’amertume et de rancune, mais vous êtes juste là où Dieu a besoin de vous.
Frères et sœurs, je voudrais conclure par ceci : Dieu aime à l’envers de nous. Lorsqu’on tombe amoureux, l’amour est magnifique, l’autre est parfait, je suis parfait. Et puis, il y a tout d’un coup un principe de réalité qui fait son apparition, et on se dit : on va s’aimer vaille que vaille ! Comme si on commençait par le sommet et qu’il fallait descendre dans la plaine. Lorsque des parents aiment leurs enfants petits, les soucis sont petits, et lorsqu’ils grandissent, les soucis deviennent grands. Il semblerait qu’il faille commencer par le plus facile et aller vers le plus compliqué. Dieu a fait l’inverse ; avant même de nous créer, il savait, qu’il faudrait envoyer son fils connaître l’humiliation d’une étable, l’humiliation d’une croix pour réparer ce que nous avions cassé. Dieu aurait pu dire : c’est trop cher payé, je ne créé pas l’homme. Il a fait l’inverse ; il a d’abord vu le plus difficile et il s’est lancé. Jésus change le logiciel de notre cœur en nous apprenant à aimer ce qui est difficile, pénible, austère, pour se rendre compte que finalement ça va de mieux en mieux.
Frères et sœurs, que votre cœur soit la mangeoire où Jésus a plaisir à descendre.
Père Frédéric FOUCHER +