Jean Préhu, un mayennais bientôt béatifié à Notre-Dame de Paris

Jean Préhu aurait pu être un jeune homme comme tant d’autres. Discret, simple, attaché à sa famille et à ses amis. Sa vie aurait pu passer inaperçue. Mais son courage, sa fidélité et sa foi lui ont donné une dimension que l’Église catholique reconnaît aujourd’hui en le béatifiant, le 13 décembre prochain à Notre-Dame de Paris, avec 49 autres catholiques français morts pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu’ils croyaient en Jésus-Christ.

Né à Laval le 27 mars 1920, dans une maison de la rue du Pont d’Avesnières (aujourd’hui disparue), il est baptisé quelques semaines plus tard, le 22 avril, en la basilique Notre-Dame d’Avesnières. C’est là que tout commence.

Un jeune Mayennais bien de son temps

Jean grandit dans une famille très croyante. Son père, Édouard Préhu, est chef de bataillon au 117ᵉ régiment d’artillerie, et sa mère, Marguerite, originaire de la Sarthe, est connue pour sa bonté et sa douceur. Le foyer Préhu est un lieu de foi vivante et de prière, où l’amour de Dieu se transmet naturellement aux trois enfants : Jane, France et Jean, le benjamin.

Doux, discret, réfléchi mais aussi joyeux, Jean se montre sensible à l’amitié et toujours prompt à défendre les plus faibles. Ses camarades diront de lui :

« Jean n’avait peut-être pas l’intelligence scolaire, mais il avait l’intelligence du cœur. »

Scolarisé d’abord à l’école Notre-Dame des Cordeliers, puis au lycée de Laval (aujourd’hui le lycée Ambroise-Paré), il rencontre quelques difficultés d’apprentissage. Ses parents décident alors de l’envoyer à l’institution du Sacré-Cœur à Mayenne, où il s’épanouit pleinement. Là, il se fait de vrais amis, joue au football et découvre la Jeunesse Étudiante Chrétienne (JEC), qui marquera profondément sa vie.

Un engagement total : foi, patrie, fraternité

À 18 ans, suivant l’exemple de son père, Jean s’engage dans l’armée le 13 octobre 1938, au 39ᵉ régiment d’artillerie. Lorsque la guerre éclate, il est envoyé sur le front d’Alsace. Le 17 juin 1940, il est fait prisonnier et envoyé en captivité en Allemagne.

D’abord interné au Stalag VI H, puis au Stalag VI G près de Bonn, il garde contact avec sa famille par lettres — vingt-deux missives précieuses où transparaissent sa foi, sa confiance en Dieu et son espérance.

Le scoutisme clandestin : la lumière dans les ténèbres

Au Stalag, Jean découvre un autre visage du scoutisme qu’il avait découvert à Laval (Jean était scout à la 1ère Laval)  : celui du don de soi au cœur de la souffrance. Avec quelques compagnons, il fonde un clan clandestin, Notre-Dame de la Route, guidé spirituellement par l’abbé Pierre Harignordoquy.

C’est dans ce contexte qu’il prononce sa promesse scoute, acte de foi et d’engagement total.

« Seigneur Jésus, apprenez-moi à être généreux, à vous servir comme vous le méritez… »

Cette promesse, il la vivra jusqu’à sa mort.

De prisonnier de guerre à prisonnier politique

Le 3 décembre 1943, un décret du chef de la sécurité du Reich, Ernst Kaltenbrunner, interdit toute activité apostolique ou catholique dans les camps. En vertu des ordres du Haut Commandement de la Wehrmacht, « toute activité religieuse organisée » est assimilée à une action subversive.

En continuant à animer son groupe scoute et à prier avec ses camarades, Jean enfreint donc la loi nazie. En août 1944, il est arrêté avec l’ensemble de l’équipe Notre-Dame de la Route et requalifié prisonnier politique, « ennemi du Reich » — non pour un acte de résistance armée, mais par fidélité à sa foi.

Transféré à la prison de Brauweiler, il endure la faim, le froid et l’isolement. À travers la cloison, il crie à son compagnon de cellule, le père Harignordoquy. :

« Nous tenons, bons. Ils ne nous auront pas. Ils ne sont pas assez forts pour vaincre le Christ. »

Après 39 jours d’emprisonnement, Jean est déporté à Buchenwald (matricule n° 81 817), puis envoyé au Kommando de Langensalza, une usine d’aéronautique Junkers.

En avril 1945, lors de l’évacuation de Buchenwald, il est embarqué dans un train de la mort. Touché lors du mitraillage du convoi par des avions soviétiques le 25 avril 1945, il meurt deux jours plus tard, le 27 avril, à 25 ans.

Un modèle pour aujourd’hui

Jean Préhu n’aura vécu que vingt-cinq ans, mais il a vécu pleinement.

Son témoignage nous rappelle trois choses :

  • l’engagement : il ne s’est jamais contenté d’observer, il a choisi d’agir ;

  • la foi vécue au quotidien : il a puisé dans sa relation au Christ la force de tenir ;

  • l’espérance : même au cœur des ténèbres, il croyait à la victoire du Christ.

Le 13 décembre prochain, Jean Préhu sera béatifié avec 49 autres martyrs français, dont plusieurs scouts et membres de la Jeunesse Ouvrière ou Étudiante Chrétienne. Ensemble, ils témoignent qu’en camp de concentration comme dans la vie ordinaire, la foi se vit en fraternité.

Comme le rappelle le pape François dans Christus Vivit :

« Le cœur de l’Église est riche de jeunes saints qui ont donné leur vie pour le Christ… Par leur sainteté, l’Église retrouve sa vigueur et sa joie. »

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